Comment peut-on être Européen ?
Turbulences démocratiques
« Notre régime politique est une démocratie, parce que le pouvoir n’est pas entre les mains d’une minorité, mais de l’ensemble des citoyens ». Ainsi parlait Périclès, stratège à Athènes, lieu de naissance de la démocratie dont nous sommes les héritiers. Ce discours magistral a été rapporté par Thucydide dans « La Guerre du Péloponnèse » ( II, 37). En témoigne la stèle de la démocratie, qui représente le Démos couronné, à l’occasion une loi contre la tyrannie. Elle est conservée au musée de l’Agora antique à Athènes. la tyrannie.
Où en sommes-nous aujourd’hui ? Jean-Michel Ducomte, enseignant à l’Institut d’Etudes Politiques de Toulouse, ancien avocat à la Cour d’appel de Toulouse, président de la Ligue de l’enseignement durant quatorze ans, membre du bureau de la Ligue des Droits de l’Homme nous propose une analyse de la situation présente.
Jean-Michel Ducomte (photo ci-contre) écrit: Jamais le nombre de pays soumis à des régimes dictatoriaux n’a été aussi important, jamais les principes, règles et procédures qui permettent d’identifier une pratique démocratique du pouvoir n’ont été si malmenés. L’Etat, souvent présenté, de façon il est vrai inexacte, comme l’étendard ou l’étalon de la démocratie libérale ; celui dont Alexis de Tocqueville, dans « De la démocratie en Amérique », s’est attaché en 1835 et 1840, à décrire la culture, les institutions, leur fonctionnement, leurs limites, s’inquiétant des conséquences d’un attachement trop important à l’égalité, les Etats-Unis, sont devenus, en quelques mois, le laboratoire d’un populisme libertarien, inculte, vulgaire et cynique.
En Europe, nombre de pays connaissent, ont connu ou risquent de connaître des interrogations de même nature. Aujourd’hui, près d’une trentaine de partis nationaux-populistes pèsent, à des degrés divers sur la vie politique des Etats membres de l’Union européenne, certains d’entre eux exercent le pouvoir, y participent ou le soutiennent. C’est le cas en Hongrie, en Italie et en Slovaquie. Ce fut le cas en Autriche, en Pologne, en Belgique, en Finlande, au Danemark. Même sans diriger le pays, entrer dans des coalitions gouvernementales ou simplement soutenir les gouvernements en place, partout, les élections successives laissent apparaître une alliance dangereuse entre une paresse démocratique qui enfle et un renforcement des forces politiques populistes hostile à la démocratie, identitaires et xénophobes. Chaque élection est polluée des fake news, des influences extérieures, relayés sur les réseaux sociaux et mobilisés par l’intelligence artificielle. Et l’Europe n’est pas le seul continent concerné par ces manifestations populistes, l’on peut citer, pêle-mêle et sans souci d’exhaustivité, le gouvernement Narendra Modi en Inde, le gouvernement Nétanyaou en Israël, la présidence Erdogan en Turquie, la présidence Miléi en Argentine…
Jean-Michel Ducomte développe son analyse dans une étude dont voici le texte intégral:
Turbulences démocratiques. Jean-Michel Ducomte.
Il propose, à la suite de ce travail historico-juridique méticuleux, de s’attacher à reconstruire une société civile active:De « Grand débat » en Conventions pour le climat ou en Conseil National pour la refondation, le pouvoir ressent la nécessité d’associer la société civile au processus de décision politique quitte a s’affranchir des préconisation résultant des débats organisés. Il est évident que ce n’est pas par le haut que se manifestera une mobilisation opérationnelle de la société civile, mais au travers d’un réveil issus de ses rangs et de ses acteurs. Il faudra, vraisemblablement faire appel aux ressources, aujourd’hui largement abandonnées, d’une éducation populaire ayant retrouvé la capacité d’élucidation des enjeux du monde contemporain telle qu’elle s’était manifestée dans la deuxième moitié du XIXe siècle et les années qui ont suivi la fin du deuxième conflit mondial. Peut-être que les temps sont redevenus propices. Les incertitudes du moment, illisibilité des perspectives d’avenir, incitent tous ceux que ne gagne pas la tentation du replis fileux à chercher à comprendre, à s’essayer à percer l’épaisseur du déterminisme insondable des explications qui les empêchent d’accorder la part qu’ils souhaiteraient voir reconnaître au rêve et à l’espérance. Sans toujours l’exprimer, ils ont soif de politique à la façon dont la définissait Max Weber, comme « un effort tenace et énergique pour tarauder des planches de bois dur ». Les situations de crise et de mutation, au cours desquelles l’on assiste à la conjonction d’un monde qui se cherche et d’une humanité qui cherche à comprendre, ont souvent favorisé l’émergence de mouvements d’éducation populaire, ne serait-ce, comme le disait Fernand Pelloutier, que pour « avoir la science de son malheur ». Ceci nécessite l’engagement d’une réflexion sur la profondeur temporelle de l’engagement civique. Plutôt que de poursuivre dans une démocratie scandée à intervalle régulier par des mobilisations électorales, ne convient-il pas alors de se pencher sur la proposition formulée par Dominique Rousseau, dans « Six thèses pour la démocratie continue » (Odile Jacob 2022), d’une démocratie continue, reposant sur la reconnaissance d’une véritable compétence normative des citoyens et qui surtout en permette l’exercice sans rupture temporelle entre deux séquences électorales ?
Vous pouvez être informés de la parution des nouveaux articles en vous abonnant en bas de la page d’accueil: https://condorcet-europe.eu/