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Comment peut-on être Européen ?

Qu’est-ce que la souveraineté ?

Culture, Livres, Politique

Objet politique non identifié, l’Union Européenne partage de manière inédite la souveraineté avec ses nations. Professeur de philosophie politique, Gérard Mairet explore dans un livre de haute tenue le concept de souveraineté et le met en perspective d’un « recommencement d’Europe ».

L’Europe et l’Union européenne sont à la croisée des chemins. S’affirmer comme civilisation humaniste implique une conscience européenne, pour affirmer la souveraineté sur soi-même. Comme l’a dit Jacques Delors, l’Union européenne est objet politique non identifié. Elle partage la souveraineté avec ses nations. Comment l’assumer et en faire une force ? Dans un livre réédité en Folio « Qu’est-ce que la souveraineté ? » Gérard Mairet nous propose une réflexion historique et culturelle de haute tenue sur le sujet. Ce texte est accompagné d’un nouveau prologue « Recommencement d’Europe » qui ancre sa pensée dans le présent.

Gérard Mairet est un fin analyste de la philosophie politique et de l’Europe auxquelles il a consacré plusieurs ouvrages profonds. Il a traduit le « Léviathan » de Thomas Hobbes et publié des éditions critiques des œuvres de Jean-Jacques Rousseau et de Jean Bodin. Plongeons-nous dans le texte originel du livre paru chez Folio « Qu’est-ce que la souveraineté ? » . Il est divisé en deux grandes parties : « Histoire » et « Fondements ».

La partie « Histoire » situe les œuvres de tous les penseurs de la souveraineté, de Machiavel à Hannah Arendt, en passant par les auteurs qu’il a traduit et ou publié, Bodin (qui affirme : la souveraineté est la puissance absolue et perpétuelle d’une République), Hobbes (qui pose le peuple comme source de la légitimité) , Rousseau (sur la volonté générale), John Locke (selon lequel le droit naturel de chacun est déduit de la nature humaine), Monstesquieu (et sa fameuse distinction des pouvoirs), Fichte (dont les discours à la nation allemande sont souvent mal compris)…

La partie « Fondements » s’appuie sur le principe de souveraineté du peuple affirmé politiquement lors de la Révolution française. Gérard Mairet souligne : « La société n’est pas structurée par une norme du juste qui viendrait d’on ne sait où, mais, au contraire, c’est le corps social qui constitue la norme ». Pour lui « le droit naturel renvoie à une liberté subjective définissable comme puissance d’agir … Le droit naturel est le lieu où s’opère la rencontre de l’être propre (individu) et de l’être commun (res publica) ». Face à une construction européenne due à des initiatives politiques multiples mais non fondée sur une réelle mobilisation populaire, la « question des fondements de l’être commun se pose pour nous, Européens ».

C’est à cette question que le prologue « Recommencement d’Europe » propose des réponses. Elles pourraient être illustrées par la sculpture monumentale « Building bridges » réalisée en 2019 lors de la biennale d’art à Venise par Lorenzo Quinn (ci-contre). Français, Allemands, Anglais, Russes, Italiens, Suisses… Nous sommes bien Européens. Mais comment maîtriser, s’approprier, affirmer la souveraineté sur nous-mêmes dans une Union européenne qui regroupe une partie importante des peuples du continent européen ? En 1648, les Traités de Westphalie établissent pour quatre siècles une Europe des souverainetés mutuellement reconnues dans la formulation d’un jus publicum europaenum (droit public européen) rappelle Gérard Mairet. Nous nous trouvons aujourd’hui dans un ordre politico-juridique commun différent. Il nous faut aussi constater « que l’Union européenne n’existe que par la volonté de l’humanité européenne de résister aux forces qui souhaitent sa destruction ». L’ouverture des frontières au sein de l’UE est une révolution. Comment assurer la paix et la prospérité ainsi voulues ? En refondant une souveraineté sur les peuples  au sein d’une confédération qui n’ose pas dire son nom ? Notre destin est entre nos mains.