C’est peu connu malgré son prix Nobel, Aristide Briand, le maître d’œuvre de la séparation des Eglises et de l’Etat mena un combat de grande envergure pour assurer la paix en Europe après les carnages de la Grande guerre. Le monument à la paix, quai d’Orsay (ci-contre) réalisé par Paul Landowsky, lui est dédié.
Aristide Briand fait partie des célèbres inconnus. Dans un grand nombre de villes de France des rues, des places, des établissements scolaires… portent son nom. Depuis une vingtaine d’année, l’extraordinaire parlementaire qui a mené à bien la séparation de l’Etat et des cultes en 1905 est à nouveau reconnu. Il s’est construit politiquement, voire psychologiquement, lui-même en réalisant cette œuvre de liberté. Mais qui sait encore qu’il fut d’abord un socialiste indépendant au moment où quatre partis socialistes se déchiraient ? Qu’il prônait la grève générale avant de militer aux côtés de Jaurès ? Qu’il s’est fâché avec celui-ci en prenant des responsabilités politiques : vingt-cinq fois ministre, onze fois président du Conseil. En particulier d’octobre 1915 à mars 1917. Une carrière de trente ans. Et, surtout, qui sait son œuvre diplomatique en faveur de la construction de la paix en Europe ?
Il s’en explique en 1926 : « Moi aussi j’ai vécu la guerre. A l’heure la plus terrible, la plus angoissante, celle de Verdun, l’homme qui avait le périlleux honneur de porter sur ses épaules les responsabilités redoutables du pouvoir était celui qui parle aujourd’hui à la tribune. Nous étions en guerre. Il fallait triompher. Il a vu à cet époque des choses tellement effroyables, l’abominable boucherie l’a rempli d’une telle horreur qu’il s’est alors juré dans sa conscience que si jamais, la victoire emportée, le hasard des circonstances l’appelait encore au pouvoir, tout son cœur, tout son esprit, tout son être se donneraient à la cause de la paix pour empêcher le renouvellement de telles atrocités ».
Ministre des affaires étrangères, il avait réussi l’année précédente à amener les grandes puissances européennes à signer les Accords de Locarno. Cinq traités qui assurent notamment les frontières de l’Allemagne. Celle-ci est admise à la Société des nations. L’idée, nouvelle, d’une paix fondée sur un droit reconnu par tous et non sur la volonté des vainqueurs est ainsi promue. Il reçoit, avec son principal interlocuteur le ministre des affaires étrangères allemand Gustav Stresemann, le prix Nobel de la paix en 1926. Briand poursuit ses efforts et obtient qu’un traité de paix soit signé par soixante-trois pays. Ils « condamnent le recours à la guerre pour le règlement des différends internationaux et y renoncent en tant qu’instrument de politique nationale dans leurs relations mutuelles ». Ce traité de Paris est plus connu sous le nom de pacte Briand-Kellog, du nom du secrétaire d’Etat américain, Frank Kellog.
Pour Briand : « « Si les accords de Locarno ne correspondent pas à un esprit nouveau, s’ils ne marquent pas le début d’une ère de confiance et de collaboration, ils ne produiront pas ce grand effet que nous en attendons. Il faut que de Locarno, une Europe nouvelle se lève ». Le suicide de l’Europe s’est hélas poursuivi avec une deuxième guerre fratricide. L’esprit de Locarno, la construction de la paix par le droit et non par la force, a pourtant resurgi dès avant la fin de la guerre. Winston Churchill rend hommage au « célèbre patriote et homme d’Etat français Aristide Briand » dans son discours au congrès de l’Europe à La Haye en 1946. L’œuvre de construction de la paix reprend…